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Le blog de Riku

Créations Diverses

Chapitre 3

Les Ames de l'Ocean, le déchainement des Profondeurs

 

 

CHAPITRE 3

 

Le reste de la semaine, Junior passa son temps à se reposer et à se documenter sur les Grands Dauphins –il cherchait à tout hasard un individu de l’espèce plus grand que la moyenne. Il lui arriva souvent de se pincer l’arête du nez au souvenir de la tête humaine qu’il avait cru voir entre les vagues.

Par une quelconque idée saugrenue, il se rappela un dessin animé présentant une jeune femme avec une queue de poisson.

Mais Junior ne chercha pas plus loin. Rien qu’à penser avoir vu un homme dans l’océan durant une fraction de seconde le rendait complètement dingue. Ce qui lui paraissait indubitable, c’est qu’il devait retourner à la plage.

 

En entendant le moteur de la Mégane, Junior se précipita à la fenêtre de sa chambre et regarda en direction de la rue, sur la gauche ; Thomas partait pour les cours du samedi matin.

Il essaya d’attirer l’attention de son cousin en secouant le bras dehors et crut bien se décrocher le membre au moment où Thomas daigna enfin lever les yeux de son pare-brise. Apercevant Junior, il sortit de la voiture en laissant le moteur allumé et piétina la pelouse pour se poster sous la fenêtre de son voisin.

_ Cousin ! Tu vas bien ?

Junior sourit sous l’insouciance de Thomas et soupira du plaisir de le revoir après ces longs jours d’enfermement.

_ Ca baigne, Thom’. Qu’est-ce que tu fais cet après-midi ?

Thomas se passa nerveusement la main dans les cheveux, remontant ses doigts le long de sa nuque jusqu’au sommet de son crâne, puis avoua :

_ J’ai rendez-vous avec une fille en ville.

Malgré un pincement au cœur, Junior garda un air jovial. Il s’accouda au rebord de sa fenêtre.

_ Nouvelle petite amie, hein ?

Son cousin grimaça un sourire puis claqua sa langue contre son palais.

_ Faut que j’y aille, je vais être en retard en cours.

Du premier étage, Junior hocha la tête et termina la conversation sur une note plus ou moins gaie :

_ Si jamais cette gonzesse t’ennuie, je serais à la plage.

Pris de court, Thomas faillit hurler d’angoisse face à cet aveu. Il ne fit cependant qu’un simple signe de tête avant de retourner à son véhicule et de partir.

Junior claqua sa fenêtre avec rage. Etait-il donc jaloux d’une fille ? Il serra les dents en s’allongeant sur son lit et prit son téléphone portable, comme s’il espérait recevoir un message d’excuses –mais jamais il n’en obtenait.

_ Pauvre con ! Marmonna-t-il en rejetant finalement l’objet sur la table de chevet.

Il fixa le plafond alors que les battements de son cœur résonnaient dans ses oreilles. Une douleur lancinante lui comprimait le ventre et il dut se retenir pour ne pas rendre son petit-déjeuner. Penser à Thomas et au regard aimant qu’il allait offrir à quelqu’un d’autre que lui l’oppressait.

Cette réflexion le choqua à peine tellement naturels étaient devenus les moments complices qu’il partageait avec son cousin. Il se rendait compte qu’il l’aimait bien plus qu’un ami.

Et Junior finit par grogner à ce constat puisque apparemment, ses sentiments n’étaient pas réciproques.

Il se releva, jeta un coup d’œil vers son portable –il décida de ne pas le prendre- puis sortit de sa chambre. En bas, son père buvait la énième bière de la matinée (et il n’était pas encore huit heures !) et sa sœur zappait les chaînes du câble à la télévision. Sans un seul mot, le jeune homme referma la porte d’entrée derrière lui et se dirigea vers l’arrêt de bus.

Les lycéens et les collégiens s’y agglutinaient en attendant le car scolaire. Junior savait pertinemment qu’il allait devoir faire preuve de dextérité pour trouver un siège libre avant qu’il ne soit obligé de rester debout. Rien que d’y penser, cela le rendait malade. Trop de monde, pas assez de place. Allait-il faire une crise d’agoraphobie durant le trajet ? Cette question lui traversa à peine l’esprit qu’il repensa à Thomas et à l’après-midi qu’il allait passer avec une fille. La rage qu’il sentit en lui l’aida à grimper les marches du bus, de s’installer sur le premier siège à sa portée et d’attendre bien sagement le dernier arrêt –celui de la plage.

A part Thomas, personne n’envisagerait qu’il serait à cet endroit. Son cousin mettra un bout de temps avant de comprendre qu’il y était allé dès le matin.

Junior était prêt à affronter n’importe quoi.

Le car se vidait peu à peu. Jeunes scolarisés descendaient aux arrêts de leur école respective. C’est après une heure de trajet que Junior arriva à destination. Dès qu’il fut dehors, il inspira l’air chargé de sel et accusa le coup en voyant déjà du monde au bord de l’eau. A cinq cent mètres de là se trouvaient les Rocheuses, gros tas de roches formant la falaise d’où il avait balancé le médaillon.

Il en toucha la forme sous son tee-shirt –il portait la chaîne autour de son cou-, puis respira encore la senteur de la mer en s’engageant dans le sable. Ses chaussures furent vite pleines de grains mais cela ne l’empêcha pas de continuer. Son regard restait collé à l’horizon pour éviter de prendre encore plus conscience des gens présents.

Maintenant qu’il était là, que devait-il faire ? Aller dans l’eau ? L’affaire des requins avait encore du mal à passer et, cette fois-ci, pas sûr que des baleines viennent le sauver.

A tout hasard, il scruta la surface de la mer aussi loin qu’il le pouvait. Mais seul le pli des vagues venait troubler l’eau.

Il n’abandonnerait pas pour autant ! Ainsi, il retira ses vêtements jusqu’à se retrouver en short –il grimaça à la vue de ses maigres jambes- et garda ses baskets aux pieds pour entrer dans l’eau. Certaines personnes le regardèrent bizarrement. Le rire d’un gamin moqueur retentit au-delà des murmures désapprobateurs des adultes.

Junior effleura son médaillon puis plongea tête la première dès que l’eau atteignit sa taille. Toujours ce froid, mélangé à des passades de courant chaud. Le sel lui brûla les yeux. Il continua néanmoins sa progression vers le large.

Souvent, il remontait à la surface afin de reprendre son souffle. Et lorsqu’il daigna enfin regarder derrière lui, au bout de deux minutes, le rivage était à plusieurs mètres. Il resta sur place un moment.

Loin vers la gauche se trouvait la plage où la fête avait eu lieu une semaine plus tôt, cachée par quelques amas de roches et d’amoncellements de détritus rejetés par la mer.

Junior ignorait sérieusement où il devait aller, et même ce qu’il cherchait réellement. Son instinct l’avait ramené ici mais dans quel but ? Comme si un dauphin allait l’attendre !

Après avoir réfléchi à la probabilité qu’un animal sauvage reste au même endroit durant une semaine, Junior entama une lente brasse pour rejoindre la rive. Au final, il était venu sans idée précise quant à ce qu’il devait faire. Il avait vécu une petite aventure qui était désormais terminée.

Rien de plus, se dit-il.

N’importe qui aurait pu être à sa place dimanche dernier, non ?

Il s’arrêta d’un bloc. Comment expliquer la présence de son médaillon, comme déposée pour lui, ce jour-là ?

 

Le bruit d’une éclaboussure le fit sursauter et il vit foncer droit sur lui une planche à voile. Dessus, un débutant lui hurlait de dégager. Junior resta bloqué, s’attendant à recevoir le choc qui l’attendait, trop désorienté pour faire le moindre mouvement.

C’est alors qu’on lui agrippa les mollets. Il eut juste le temps de prendre une bouffée d’air avant de se retrouver les fesses contre le sable du fond en un millième de secondes. Ses yeux l’irritèrent et il dut se retenir de les frotter : un jeune homme le fixait avec des prunelles claires translucides.

Effet d’optiques, sûrement, pensa Junior.

L’inconnu dressa le visage vers le haut lorsque la planche traversa l’endroit où Junior se tenait auparavant. Celui-ci laissa échapper quelques bulles d’air entre ses lèvres sous une surprise qu’il tenta de retenir (et il y avait de quoi !) : face à lui, l’inconnu qui se tenait à l’horizontale possédait d’étranges oreilles (si on pouvait appeler cela des oreilles) semblables par la texture aux crêtes de parade du Dilophosaurus –dinosaure carnivore vivant entre deux cent cinq et cent quatre-vingt cinq millions d’années avant notre ère. Elles se déployaient fièrement de chaque côté de son visage, entre des mèches de cheveux noirs, ondulants avec le courant de la mer.

Bizarrement, Junior ressentait plus d’appréhension et de curiosité que la frayeur de l’étrange. L’inconnu restait indifférent à l’intrigue qu’il suscitait, observant simplement celui qu’il avait sauvé.

 

Aujourd’hui, la technologie nous permet d’envoyer des hommes dans l’espace. Nous découvrons d’autres planètes et d’autres systèmes solaires.

Mais nous ne connaissons pas notre propre planète.

L’Homme domine la Terre, en exploite les ressources pour en détruire d’autres, s’enivre de ses connaissances acquises et exhibe son orgueil face aux découvertes technologiques.

Comment est-il possible que l’on puisse marcher sur la lune alors que nous ignorons encore quatre-vingt-dix-neuf pour cent de ce que nous cachent nos océans ?

 

Junior expira le reste d’air qu’il possédait et remonta à la surface en prenant élan de ses chaussures contre le sol meuble. La tête hors de l’eau, il se frotta légèrement les yeux puis regarda autour de lui.

L’inconnu montrait son visage à une certaine distance derrière lui. Grâce au jeu de lumière du soleil et des vagues, Junior reconnut immédiatement la tête qu’il croyait avoir imaginé au loin.

_ C’est toi qui… Commença-t-il à dire.

Mais le jeune homme ténébreux disparut sous la surface. Junior reprit une goulée d’air et replongea à son tour. Il crut que l’inconnu était parti, pourtant ce dernier était toujours là, comme s’il l’attendait. Un crabe gravissait l’un de ses bras –Junior remarqua ses mains dont les doigts étaient liés par une membrane (genre pattes palmées de canard). Ce dont il fit attention par la suite fut le corps du garçon : au-delà du torse, juste sous le nombril, la peau blanchâtre se mélangeait à une couleur grise qui se prononçait de plus en plus le long d’une queue de…

Dauphin !

Ebranlé par cette découverte, Junior gonfla les joues en retenant un cri. Sous ses yeux, l’inconnu reposa délicatement le crabe sur un corail puis croisa les bras sur son torse en fixant l’humain avec ses prunelles translucides.

Un poisson Chirurgien jaune d’environ d’une vingtaine de centimètres s’approcha de l’hybride et sembla murmurer à sa membrane auditive. Junior ne trouvait aucune explication rationnelle à tout cela et délira même sur une sorte d’expérience génétique apportée par des scientifiques loufoques.

Quelque chose lui pinça la cheville –le crabe précédent. Il remonta alors en catastrophe à la surface pour respirer un bon coup. Son cœur battait à tout rompre, tellement fort qu’il n’entendait que lui.

Le visage pâle et parfait de l’hybride sortit lentement de l’eau à quelques centimètres de lui. Junior perçut de petits cliquettements sonore semblable à des décharges électriques. Les paupières transparentes s’ouvrirent sur les yeux bleu ciel de l’inconnu et Junior en apprécia aussitôt l’éclat.

Même si l’homme-dauphin restait physiquement imperturbable.

Le silence entre les deux jeunes hommes s’éternisa alors que le soleil continuait son ascension vers le pôle du midi. Depuis combien de temps Junior était-il dans l’eau ?

_ Fais plus attention la prochaine fois.

Voix grave, rauque, une petite pointe de mélancolie. L’hybride avait parlé. Et comme un humain, en plus !

Junior aurait voulu riposter à l’instant même où l’inconnu s’enfouit à nouveau sous l’eau. Il laissa échapper un grognement et se jeta à sa suite sous la surface.

L’homme-dauphin nageait souplement près du fond, le Chirurgien jaune à ses côtés. Ses mains palmées parcouraient le sable et les algues marines, puis effleuraient les coraux et les quelques poissons au passage. Junior admirait sa grâce de déplacement alors qu’il recherchait toujours une explication à cette apparition. Il suivait la nageoire caudale des yeux, estimant partiellement la longueur de cette dernière comparée aux dauphins du documentaire animalier.

_ Hey !

Junior sursauta à l’appel et jaugea le visage indifférent de l’hybride qui venait de l’interpeller.

Une seconde. Il m’a appelé sous l’eau ?!

L’inconnu se tenait encore à l’horizontale, les bras tendus sous lui et les mains accrochées à un rocher profondément planté dans le sable. Ses prunelles à la paupière transparente le fixaient.

Sa bouche se remit en mouvement :

_ Les humains peuplent la terre ferme. Pourquoi n’y aurait-il pas un peuple opposé dans les profondeurs ?

Junior n’en revenait pas ; l’hybride parlait sous l’eau et, en plus, venait de lui implanter une morale drastique dans le crâne.

L’air lui manqua encore. Pourtant, il étira ses lèvres en un sourire jovial. L’inconnu le scrutait toujours indifféremment bien que sa bouche s’entrouvrit très légèrement sous la surprise.

Junior retourna prendre de l’air et inspira profondément. C’était une découverte bien étonnante qu’il avait faite aujourd’hui. Quelque chose de déroutant. Et la grande particularité de cette chose, c’est qu’elle avait supprimé un lourd poids de ses épaules.

_ Alors ? Comment s’appelle l’humain que j’ai sauvé deux fois ?

Junior se tourna vers l’inconnu dont les cheveux noirs se collaient aux oreilles membraneuses et s’écria :

_ Deux fois ?!

L’hybride croisa les bras, s’aidant de sa queue pour rester à la surface. Il pencha la tête sur le côté et répondit :

_ Les baleines à bosses ne sont pas venues par hasard.

Junior n’en revint pas.

_ C’est toi qui les as appelé ?

Et son vis-à-vis rajouta :

_ J’allais pas foncer seule dans une meute de Grands Blancs.

Un nouveau silence se fit, à peine troublé par le moteur d’un bateau à un kilomètre de là. Après une hésitation, Junior tendit une main en souriant.

_ Je m’appelle Junior, et toi ?

L’hybride attrapa cette main tendue avec ses doigts glissants.

_ Drake.

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