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Le blog de Riku

Créations Diverses

Chapitre 9

Les Ames de l'Ocean, le déchainement des Profondeurs

 

 

CHAPITRE 9

 

La Libellule accosta lourdement, à grand renfort de grincements, sur la plage où les gens étaient terrorisés. Frédéric et son équipage eurent un haut-le-cœur, le jeune Julian vomit sa salive.

Derrière eux, là où le fond sablonneux était encore à une bonne profondeur, le Megalodon tournait lentement en rond. Le bout de ses pectorales et de sa queue taquinait le sable. Ses yeux de jais allaient de droite à gauche dans leur orbite avec hargne. Sa gueule s'ouvrait et se refermait en rythme avec sa lente nage. Autour de lui, les Grands Blancs, qui mesuraient approximativement dix mètres de longueur, se frottaient au corps immense et musculeux. L'un des requins donna une sorte de tapotement sur les branchies du Megalodon. Ce dernier, changeant subitement d'humeur, tourna son corps d'un mouvement souple et découvrit ses dents triangulaires qui encerclèrent le Grand Blanc trop familier à son goût. Il le goba comme une vulgaire crevette, répandant une traînée de sang autour de lui alors qu'il repartait vers le large, accompagné par ses autres Fidèles.

Frédéric fixa l'aileron dorsal blanc s'éloigner et disparaître, puis souffla de soulagement. Un homme cria depuis la plage, à côté du bateau :

_ Hey ! Ca va là haut ?

Il fallut un moment à l'équipage pour se reprendre. Louis fut le premier à se pencher contre le bastingage pour répondre d'une vive voix :

_ Nous allons bien !

 

Thomas et Sylvain se trouvaient encore sur place lorsque polices, gardes côtes et ambulances arrivèrent devant le bateau échoué. Ils jaugeaient avec intérêt le large en pensant que l'aileron dorsal du Megalodon n'avait été que le fruit de leur imagination. Thomas se racla un instant la gorge en clignant des yeux puis regarda Sylvain à ses côtés. Ce dernier avait la mâchoire crispée et les poings serrés.

_ Peut-être devrions-nous discuter au calme de la marche à suivre.

Sylvain sursauta et jeta un coup d’œil à son vis-à-vis.

_ Toi et moi, on connaît quelqu'un venant de la mer, n'est-ce pas ?

Le sourire de Thomas n'avait rien d'amical. Pourtant, si Sylvain devait retrouver Horia, ils ne seraient pas trop de deux. Il avait des soupçons face à l'attitude de Thomas mais, vu les circonstances, ne pouvait pas se permettre de les mettre à nu.

_ Qu'est-ce que tu proposes ? Lâcha-t-il d'un air détaché.

Thomas posa ses mains sur ses hanches et guetta un flic qui passa près d'eux avant de répondre :

_ Allons au calme d'abord. Il y a trop d'agitation ici.

 

Bloomordan jaugeait Junior pendant que Drake faisait un topo rapide de la situation avec Arcan, sous la surface. Le jeune humain n'était pas à son aise ; en plus d'être frigorifié, le sosie de Drake ne le quittait pas des yeux et ne cessait de sourire avec ironie.

_ Tu as si peur des requins que tu n'oses plus me regarder ?

Junior resta silencieux, les bras autour de ses jambes repliées.

_ A moins, enchaîna Bloom, que le fait que je sois le jumeau de Drake fasse battre ton cœur plus vite.

Cette fois, l'humain sursauta et fixa l'homme-requin avec des yeux exorbités, les joues rosissantes.

_ Qu'est-ce que tu racontes ?! S'exclama-t-il.

Bloomordan éclata de rire.

_ J'avais raison, tu t'es entiché de Drake.

Junior hurla presque, désormais tout rouge :

_ Tu racontes n'importe quoi !

L'homme-requin ne s'arrêta pas pour autant et haussa les épaules en gardant son sourire en coin.

_ Qui aurait pu croire que mon frère ait du succès auprès d'un humain ? Et mâle, de surcroît ?

_ Mais arrêtes !!!

Junior s'emporta tellement qu'il glissa de son rocher et se retrouva dans l'eau qui ne lui avait jamais parut aussi froide. Ses yeux s'ouvrirent sous le choc et il vit alors la nageoire caudale du requin. Il avala une bonne rasade d'eau avant de sentir des bras chauds et puissants le prendre sous les aisselles pour le remonter à la surface.

La voix de Drake tonna :

_ Vous faites quoi, tous les deux ?

Bloomordan ne s'arrêtait plus de rire alors que Drake aida Junior à se hisser à nouveau sur la roche. L'humain était livide de peur, le reste de son corps devenait translucide de froid. Il était évident qu'il ne devait pas rester plus longtemps ici.

Drake reprit la parole :

_ Arcan est parti à ma place rejoindre le Récif. Maintenant, il faut trouver une solution pour toi, fit-il en montrant Junior du menton.

Bloomordan ricana.

_ C'est bien toi d'offrir les sales besognes aux autres.

Avec répartie, Drake fit :

_ Ce n'est pas moi qui ai fait venir le Megalodon.

Son frère fronça le nez, arqua sombrement les sourcils et pinça les lèvres.

_ Oserais-tu m'accuser ?

Yeux dans les yeux, l'homme-dauphin croisa les bras.

_ Dis moi que tu ne fais pas parti de toute cette machination.

Le silence se fit, l'un affrontant l'autre du regard. Bloomordan ne souriait plus, paraissait en colère. Rancunier.

Junior grogna en se frictionnant les bras. Drake reporta alors son attention sur lui.

_ Horia connaît un endroit où elle entrepose certaines choses que les humains laissent tomber à l'eau. Il y aurait peut-être quelque chose pour toi.

Bloomordan reprit la parole avec ennui :

_ Tu peux tout simplement le ramener chez lui. Le Megalodon ne devait pas rester proche de côtes, de toute façon. Les Grands Blancs l'ont forcément suivi.

Le regard obscurcit par la haine, Drake se retourna vers lui.

_ Donc tu fais parti de cette œuvre.

L'homme-requin soupira avec dédain et disparut sous les flots. Le bout triangulaire de sa queue trancha la surface avant qu'il ne s'en aille.

 

_ C'est tout bonnement impossible ! Un requin de cette taille ne peut en aucun cas exister à notre époque.

_ Puisque je vous dit l'avoir vu ! Il a poursuivit mon bateau et a enfoncé une partie de la coque rien qu'en l'effleurant !

Frédéric se bornait à dire la vérité à l'officier qui lui faisait face. Mais le gendarme Tripoli ne voulait rien savoir. Serait-ce la peur de la vérité ou la simple suspicion qui l'empêchait de croire à tous ces témoignages ? Il n'avait aucune preuve sur la présence d'un Squall de quarante mètres et, même s'il en avait, les montages étaient facilement réalisables avec la technologie d'aujourd'hui. Par déduction, il pensait aussi que n'importe quel naviguant-explorateur aurait déjà croisé un monstre de cette taille s'il existait. Un documentaire aurait déjà été tourné.

Et puis, un requin de cette envergure aurait certainement un appétit colossal, les baleines seraient ses premières victimes. A-t-on déjà vu une baleine s'échouer avec une morsure béante dans la peau ? Non.

Pour l'officier Tripoli, la logique voulait tout simplement que cette histoire ne soit qu'un canular visant à alimenter les esprits de ceux qui croyaient au Monstre du Loch Ness.

_ Et tous ces Grands Blancs qui ont attaqué mon bateau avec une synchronisation parfaite, c'était mon imagination peut-être ? Continua Frédéric.

Peine perdue pour lui, comme pour tout le reste de son équipage. Personne ne les croyait, mis à part les témoins ayant aperçus l'énorme aileron blanc à la chasse de La Libellule.

Les journalistes du littoral étaient déjà sur place, interrogeant à tout-va afin de récolter le plus d'informations possibles et de trouver le scoop de leur carrière. Frédéric n'hésita que quelques instants avant de se diriger vers une caméra, à faire face à l'objectif et à s'emparer du micro d'une journaliste abasourdie.

_ Mesdames et Messieurs, mon bateau a été attaqué par une bande de requins excités. Lorsque j'ai voulu y échapper, un énorme requin -et quand je dis énorme, le mot est faible- a fait son apparition avec l'intention similaire de réduire mon bâtiment en ruines. J'ai dû mettre les gaz pour échapper de justesse à une mort certaine, j'ai même du faire échouer mon bateau. Regardez ! (Le cameraman orienta son objectif vers le bateau, vers la coque fendue et arrachée par les dents des Grands Blancs, avant de revenir à Fred) Ce requin mesurait plus de trente mètres. Je dirais même environ quarante mètres. En tout cas, c'est un monstre beaucoup plus redoutable que ce que vous pouvez imagi...

_ Suffit !

Le gendarme Tripoli s'interposa et posa sa main sur la caméra.

_ Arrêtez de déblatérer vos âneries. Vous n'avez pas le droit d'effrayer la population avec vos divagations d'ivrogne.

_ Ivrogne ?! S'emporta le capitaine de La Libellule. Je suis autant à jeun que vous et n'hésitez pas à me faire faire un dépistage, ainsi qu'à tout mon équipage. Et n'oubliez pas les gens qui observaient d'ici et affirment à tout bout de champs avoir vu un grand aileron de requin.

Bien que la caméra était abaissée vers le sable, la conversation fut enregistrée. Le cameraman fit un geste du pouce vers la journaliste qui lui répondit d'un hochement de tête avant qu'elle ne mette fin à ce reportage en saluant tout le monde. Son collègue et elle partirent en courant vers la route ; ils avaient leur scoop. Ne leur manquait plus que l'image du requin en question.

 

Thomas sirotait son verre de soda tandis que, face à lui, Sylvain triturait le goulot de la bouteille de 33cl déjà en partie vide.

_ Tu es sûr que tu ne veux rien ?

Sylvain ne releva pas son nez. Après le départ précipité de Horia et l'apparition de l'aileron géant, le trajet en voiture avec Thomas au volant lui avait retourné l'estomac. Ce type conduisait comme un malade.

_ Bon, reprit Thomas d'un air dégagé. Réfléchissons à un plan.

Il glissa un peu de sa chaise, se détendit, lorgna les quelques personnes qui se trouvaient sur la terrasse de ce restaurant délabré. Il vida son verre d'une traite, secoua les glaçons qui baignaient au fond.

Sylvain grogna de malaise, se massa les tempes en fixant son vis-à-vis, et fit :

_ T'es toujours aussi bruyant ?

Avec un sourire en coin, Thomas lu répondit :

_ C'est exceptionnel aujourd'hui. Une créature m'a enlevé mon cousin et je compte bien le lui reprendre.

Interloqué, Sylvain arqua un sourcil. Mais Thomas n'en dit pas plus à ce sujet. Il parla plutôt des principaux matériaux dont ils avaient besoin.

_ Il nous faudrait un bateau et de l'équipement de plongée. Nous aurions aussi besoin de matériel de pêche.

Loin d'être en confiance, Sylvain rétorqua :

_ Tu comptes capturer l'hybride ? Et, en passant, je te rappelles juste qu'un énorme requin est de sortie.

Thomas posa un peu trop brutalement son verre sur la table, le regard ivre de rage.

_ Le capturer ou le tuer n'a pas d'importance pour moi, du moment que je retrouve Junior. Et le requin, vu sa taille, ne s'intéresserait certainement pas à des cibles aussi petites que nous.

L'utilisation du « le » permit à Sylvain de savoir à quel hybride faisait référence Thomas. Mais, sur le requin, il trouvait son vis-à-vis complètement suicidaire.

_ Pour bien faire, ironisa Sylvain, il faudrait s'allier à l'Armée.

Contre toute attente, Thomas étudia la question, au grand dam de Sylvain qui s'impatientait. Mais le cercle de l'Armée étant trop fermé, l'idée n'était guère la solution.

_ Non, je reste sur ma première proposition.

_ Et comment te procurer ce dont tu as besoin ?

Thomas réfléchit.

_ Notre entourage possède peut-être une partie. Et puis, ici, les bateaux sont nombreux. S'il le faut, on en volera un.

Sylvain soupira puis leva les yeux au ciel.

_ Cherches pas. Je suis en bon terme avec le beau-père de ma sœur. En plus d'être riche, il possède un yacht qui repose dans la baie toute l'année. Il a tout à bord.

Sauf du matériel de pêche. Mais il le garda pour lui.

Le visage fier et les traits tirés par la gagne, Thomas présenta sa main à son vis-à-vis.

_ Je m'appelle Thomas. On va bien s'entendre, toi et moi.

 

La plage était si encombrée que Drake rabattit ses membranes auditives en arrière, même sous l'eau. Coincé sous l'un de ses bras, Junior retenait son souffle tant bien que mal et refusait d'ouvrir les yeux. Imaginer l'étendue noire sous lui était déjà prétexte à la folie. L'hybride nageait aussi vite que possible, mais se devait de remonter à la surface afin que Junior puisse reprendre sa respiration.

Ainsi, ils passèrent face à la plage, assez loin pour ne pas être vus entre les vagues, distancèrent aussi la crique et le feu de camps, longèrent la côte pendant un long moment et atteignirent finalement un petit espace plein de galets qui s'ouvrait sur une rivière.

Junior s'écorcha le genou sur un caillou pointu en sortant de l'eau à quatre pattes. Il aspira plusieurs goulées d'air avec la même difficulté qu'un poisson hors de l'eau. L'homme-dauphin, à plat ventre sur les galets, la caudale sous les flots, l'observa avec attention, sur le qui-vive.

Finalement, l'humain s'assit lourdement sur le sol meuble, inconscient de la douleur qui traversa ses fesses et sa colonne vertébrale. Les jambes relevées et coudes sur les genoux, il croisa ses doigts entre eux. Quelques mèches de cheveux ondulés lui obstruaient la vue. Il fixait une pierre ronde et grise entre ses cuisses.

_ Drake...

Sa voix était granuleuse, comme s'il avait du sable dans la gorge. Il eut une légère quinte de toux.

Face à lui, toujours à moitié dans l'eau, Drake demeurait silencieux. Il releva un instant sa caudale -un crabe lui titillait la peau du bout d'une pince- et l’aplatit contre la surface pour la reposer sur le fond.

_ Pourquoi m'as-tu ramené ?

Junior leva à peine la tête, désireux de ne pas croiser le regard de l'hybride.

_ C'est ce qu'il y avait de plus intelligent à faire, répondit Drake d'une voix posée.

L'une de ses oreilles membraneuses était relevée, en alerte.

_ Tu as dit (Junior renifla) que ça n'avait pas d'importance si je mourrais.

Drake haussa un sourcil. Sans qu'il ne sache pourquoi, ses mains se mirent à trembler -les membranes de peau entre chaque doigts frétillaient. Il essaya de contrôler cette émotion nouvelle en bougeant les bras et en donnant l'impression qu'il changeait juste de position.

_ Je n...

A peine commença-t-il à parler qu'il se tut. Après tout, il avait vraiment dit ces mots.

Junior osa enfin poser les yeux sur lui, des yeux fatigués et tristes. Il esquissa un semblant de sourire et tapota son genou.

_ Oublies ça.

Essayant de changer de sujet, il observa le coin autour de lui et posa les mains sur les galets.

_ Pourquoi tu ne m'as pas ramené à la plage ? On est où, là ?

Chassant l'atmosphère pesante précédente d'un coup de caudale, Drake se racla la gorge et répondit :

_ Il y avait trop de monde là-bas. On est plus haut. Si tu longes la route principale pendant environ une heure de marche, tu rejoindras la plage.

_ Oh, faut que je marche...

Junior fit la moue et soupira bruyamment.

_ Je dois retrouver mes affaires là-bas.

Drake haussa les épaules.

_ Si tu les retrouves. Après l'apparition du Megalodon et les attaques de Grands Blancs, il y a de la foule. Sans compter le bateau échoué que j'y ai vu en passant.

Au rappel des requins, Junior se fit silencieux et frissonna de peur. L'hybride ferma la bouche à son tour et s'allongea sur le flanc. Soutenu par un coude, il observa le large en dressant sa seconde oreille.

Un son long et rauque lui parvint.

_ Je reviens, dit-il rapidement avant de glisser sous l'eau.

Junior n'eut même pas le temps de protester et contempla avec nervosité la surface ondulante de la mer. Au bout d'une minute, il se leva et s'approcha de cette eau salée qui l'effrayait désormais. Le bout de ses chaussures pataugèrent un peu et un galet le fit presque tomber. Il leva la tête, guetta le moindre remous au loin. Où était Drake ? L'inquiétude le gagna, il fit craquer ses doigts, s'empara d'une pierre et la jeta dans l'eau.

_ Reviens ! Hurla-t-il avec désespoir.

Drake refit surface, le nez froncé et une main sur la tête.

_ Merci pour ton cailloux.

L'humain soupira, rassuré. Il ne daigna même pas s'excuser. L'hybride guetta Junior un moment avant de tendre une main vers lui. D'une voix rassurante, il dit :

_ Viens avec moi.

Ivre de peur, Junior eut un mouvement de recul en écarquillant les yeux, faillit perdre l'équilibre.

_ Pourquoi ? S'écria-t-il.

_ Un spectacle t'attend.

Intrigué, Junior baissa légèrement sa garde.

_ C'est-à-dire ?

Toujours le bras tendu vers son vis-à-vis, l'hybride esquissa un mince sourire.

_ Je te le dirais si tu viens.

Voir Drake avec ce visage n'avait pas de prix. L'hybride, si indifférent ou taciturne habituellement, dévoilait une expression étonnamment douce. Junior ne put s'empêcher d'avancer vers lui et de lui tendre la main.

Lorsque leur peau se toucha, un long frisson d'étincelles leur remontèrent le bras et une agréable chaleur les enveloppa. Drake entrelaça leurs doigts. Junior apprécia le contact caoutchouteux des membranes de peau.

Une fois l'humain entièrement dans l'eau, Drake le fixa dans les yeux et déclara d'un murmure suave :

_ Prépares tes oreilles au doux chant de la mer.

Junior prit une goulée d'air et, lentement, ensemble, main dans la main et face à face, ils glissèrent sous la surface. L'eau s'insinua dans les oreilles de Junior un instant, le bruit l'effraya un peu. Mais, en quelques secondes, de longs barrissements graves lui parvint. Cela ressemblait à des sons d'éléphants mais ces barrissements montaient parfois dans les aiguës pour revenir aux graves. C'était apaisant, magique. Plusieurs chants lents, longs pour certains et courts pour d'autres, s'entremêlaient en sorte de hoquets contrôlés et vagues.

En écarquillant les yeux, le sel piqua affreusement les prunelles du jeune humain. Il ne referma pas les paupières pour autant, les sens en éveil, trop interloqué par ce qu'il entendait.

Sans lui lâcher la main, Drake le fit nager un peu plus loin encore. Ses membranes auditives ondulaient à l'attention des chants et de tous les sons alentours. Ses doigts libres remontèrent le long du bras de Junior, ne l'effleurant pas, et s'occupèrent à retirer les cheveux qui gênaient l'humain dans la figure.

Un irréfutable respect se propagea entre eux, quelque chose d'indéfinissable, de profond. Ils se jaugeaient réellement pour la première fois. Junior sentit la peur du futur se concentrer dans son estomac. Il ne voulait rompre cet instant pour rien au monde.

Pourtant, cela se finirait tôt ou tard, non ?

Drake mit fin à ses désagréables pensées en rapprochant son visage du sien. Créant des bulles en ouvrant la bouche, l'hybride chuchota :

_ Les baleines à bosse chantent la venue d'un nouveau-né.

Junior gonfla les joues pour se retenir de parler -impossible de le faire pour lui sous l'eau- et des bulles s'échappèrent de ses narines. Depuis combien de temps était-il sous la surface ?

L'hybride lui pinça délicatement le nez entre le pouce et l'index, et réduisit encore l'écart entre leur visage. Les battements de cœur de Junior s'accélérèrent, il perdit son air en un tourbillon de remous par la bouche. Ses jambes remuèrent d'instinct pour le remonter.

Mais Drake resserra sa prise sur sa main, l'empêchant de partir. Junior commençait sérieusement à s'affoler quand, d'un coup, l'homme-dauphin posa ses lèvres contre les siennes sans lui lâcher le nez.

Drake lui souffla de l'air plusieurs fois, Junior garda les yeux fermés pour apprécier ce contact si doux en osmose avec les chants des baleines.

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