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Le blog de Riku

Créations Diverses

Chapitre 5

Les Ames de l'Ocean, le déchainement des Profondeurs

 

 

CHAPITRE 5

 

Junior chassa le sable collé sur sa joue et bailla bruyamment. Le soleil se couchait quelque part derrière lui et la pénombre lui permit de distinguer les premières étoiles dans le ciel à mille lieux de là. Durant un long moment, il ne sut où il était, ni ce qui c’était déroulé avant son sommeil.

L’apparition de Drake aux abords du rivage le tétanisa assez longtemps pour que l’hybride lui adresse la parole :

_ Tu dors les yeux ouverts ?

Junior secoua la tête et se dressa sur ses jambes d’un bond –trop rapidement au goût de son organisme puisqu’il chancela alors que quelques tâches noires lui obstruèrent la vue. Une fois la tension rétablie, il frissonna sous une brise côtière et s’avança vers la mer.

_ Alors j’ai pas rêvé ?

Encore somnolant, l’humain retira un filet de bave séché le long de son menton et s’accroupit devant l’eau en fixant Drake. Celui-ci, ventre contre terre, dressa le bout de sa nageoire caudale vers le haut et répondit à son interlocuteur :

_ Je crois que non.

Junior sourit alors grandement, leva brusquement le poing en manquant de tomber et s’exclama :

_ Donc tu vas me montrer encore plein de choses !

En un soupir exaspéré, Drake accepta d’un signe de tête pour ensuite chercher la meilleure façon d’entamer un sujet dramatique avec Junior.

L’humain semblait si heureux.

Tout à coup, une demi-douzaine de Trusiops Truncatus sortit la tête de l’eau à une distance respectable des bas fonds. Tous ensemble, ils ouvrirent leur museau pour chantonner gravement un message. Drake hocha la tête et se tourna vers Junior.

_ Ton ami a été transporté aux urgences, à l’hôpital le plus proche.

Junior haussa les sourcils et se gratta la nuque en se remettant debout.

_ Mon ami ?

_ Oui, celui qui est venu te chercher dans l’eau il y a une semaine.

L’un des dauphins poussa un son proche du rire. Junior dut analyser plusieurs fois les informations pour que son cerveau les accepte et les comprenne.

_ Thomas ?

Ignorant l’identité de l’humain blessé, Drake haussa juste les épaules. Les jambes de Junior devinrent tellement flageolantes qu’il finit par tomber, les genoux caressés par l’écume qui continuait inlassablement son va-et-vient.

_ Qu’est-ce qu’il…

L’homme-dauphin s’allongea sur le côté, appuyé sur un coude. Il fit faire quelques mouvements à sa queue puis expliqua en quelques mots précis ce qui s’était passé :

_ Il te cherchait dans l’eau. Pris d’une crampe, il a tellement remué que les Grands Blancs sont arrivés à lui. L’un d’eaux lui a quelque peu mordu la jambe (petit soupir de cynisme). Il s’en sort plutôt bien.

Junior, abattu, leva son visage vers Drake et croisa ses mains sur ses cuisses. Son regard dévoilait détresse et incompréhension.

_ Je ne… comprends pas… Pourquoi était-il là ? Il était censé sortir avec une fille !... Et tu me dis qu’il s’en sort plutôt bien alors qu’on l’a envoyé aux urgences ?!

Drake dressa l’une de ses membranes auditives en éventail et fixa durement son vis-à-vis.

_ Ne me tiens pas pour responsable de son accident.

Entièrement ébranlé par la nouvelle, Junior éclata en sanglot et renifla à plusieurs reprises afin de pleurnicher quelques mots d’une voix cassée :

_ Je veux le voir. Ramènes moi à la plage, il faut que j’aille le voir.

 

Sylvain accepta la gifle de cette fille comme signe de rupture, et lui tourna le dos dès qu’elle s’éloigna. En une semaine, c’était la cinquième qui lui hurlait qu’il n’était qu’un monstre. Etait-ce si monstrueux de ne pas réussir à aimer ?

Maintenant seul au bord de l’eau, cannette de bière à la main, Sylvain écouta la musique provenant du restaurant du bord de mer où sa sœur fêtait son mariage –du zouk en cet instant. Chassant ses cheveux ondulés de ses yeux, il grogna lorsqu’il faillit lâcher sa boisson et dût faire un pas en arrière pour retrouver l’équilibre.

Avait-il bu tant que ça ?

Il tritura sa joue douloureuse suite à la sévère claque puis soupira et leva les yeux vers le ciel. Les étoiles étaient délicieusement bien visibles, le croissant de lune offrait assez de lumière pour éclairer la plage. Le genre de décor romantique que les couples adoraient squatter, en général. Sylvain fut pris de nausées à cette pensée et jeta violemment sa cannette vers le large après en avoir bu le reste du contenu.

C’est grâce à un effort surhumain qu’il ne trébucha pas sous l’ébriété dont il était l’objet.

Son objectif était maintenant de rejoindre le restaurant. Nul doute que son ex-petite amie n’y serait plus présente.

Etait-il réellement un monstre ?

Sylvain scruta les eaux sombres et ondulées en se questionnant sur ce sujet plus que philosophique vu la quantité d’alcool dans son sang. Cinq filles en une semaine, pas une seule pour qui il s’était ouvert à l’amour. Il restait froid, distant, évitant les contacts physiques comme la Peste. Cela faisait-il de lui un monstre pour autant ?

Il n’offrait aucune promesse d’avenir, ne prononçait aucun mensonge sentimental. Soit il donnait tout, soit il ne donnait rien. En l’occurrence, il ne donnait rien du tout à toutes ces filles qu’il avait connu.

Un bruit mat interrompit ses pensées et il regarda à ses pieds : sa cannette de bière trônait sur le sable, pleine d’eau.

_ Qu’est-ce qu…

Etait-il bourré au point de se créer des illusions ? Il se pencha pour ramasser l’objet et ne put y discerner qu’un impact enfoncé, comme si on la lui avait renvoyé avec une batte de baseball. Il chercha une quelconque présence dans la nuit claire, notamment vers la mer où il avait justement balancé sa cannette. Mais rien ne bougeait, autre que les ondulations intarissables de l’eau.

Plus surpris que choqué de l’apparition de sa cannette, Sylvain haussa les épaules, la laissa retomber sur le sable et l’envoya valser d’un coup de pied. L’objet atterrit à peine au niveau de la rive immergée. Il s’en contreficha pourtant et enfonça les mains dans ses poches de smoking noir avant de débuter sa marche en direction du restaurant.

Sa cravate noire s’échappa de sa veste boutonnée et claqua dans l’air à l’instant même où la cannette de bière lui percuta l’arrière du crâne.

_ Aïe !

Il se frotta l’endroit endolori, se retourna vivement en retrouvant un semblant de sobriété, choppa l’objet et l’envoya rageusement valsé une nouvelle fois à l’eau.

_ Et laisses-moi tranquille, bordel !

Ses oreilles perçurent le fracas tonitruant d’une chose lourde qui percute la surface de l’eau. Ses yeux, accoutumés à la pénombre et aidés par les rayons de la lune, discernèrent un bout triangulaire et arrondi d’une matière résolument caoutchouteuse. Il n’en distingua pas la couleur mais cela le perturba assez pour qu’il ne prenne pas conscience de la cannette qui atterrit à nouveau à ses pieds. Il s’approcha de l’écume qui s’échouait sur le sable.

Pas un seul remous en vue.

_ Ne jettes plus jamais tes déchets dans l’eau !

Sylvain sursauta en entendant cette voix féminine et jeune sur sa gauche, si proche bien qu’étouffée –provenant sûrement de derrière ces quelques rochers empilés là.

_ Qui es-tu ?! S’écria le jeune homme dans le vide.

Il s’approcha silencieusement de l’endroit suspect alors que la voix articula consciencieusement :

_ Je suis ta conscience.

Léger rire indistinct, celui de quelqu’un qui met la main devant sa bouche pour se retenir au dernier moment.

Sylvain s’appuya à l’une des roches et s’y pencha pour regarder de l’autre côté, vers le bas.

_ Mensonge, annonça-t-il, les sourcils froncés.

Assise dans une sorte de trou d’eau, une jeune fille sursauta et releva vivement la tête, adossée à la paroi. Ses yeux clairs –mais impossible d’en voir la couleur dans ces ombres- scintillèrent aux reflets de la lune. A travers ses longs cheveux noirs, ses oreilles membraneuses étaient ouvertes en éventail. Elle fixait Sylvain à l’envers, incertaine du comportement à adopter.

Au bout d’une minute cependant, l’inconnue glissa contre le sable du fond pour se tourner lentement face à l’humain, repliant ses membranes auditives vers l’arrière, comme un chien méfiant. Plus loin, la chose triangulaire que Sylvain avait aperçut trancha la surface de l’eau avant de disparaître à nouveau –là où la demoiselle aurait du avoir des pieds.

Sylvain s’accouda sur la roche et haussa un sourcil interrogatif, encore un peu sous l’emprise de l’alcool.

_ T’es quoi au juste ?

L’hybride fit une moue enfantine avec sa lèvre inférieure et plissa le nez de désapprobation.

_ Tu as perdu ta langue ? Insista Sylvain.

Mais la jeune fille aux formes veloutées que cachaient ses cheveux ne daigna prononcer aucun mot.

Alors indifférent, Sylvain leva et rabaissa ses épaules avant de se redresser et de partir.

L’hybride s’aida de ses bras pour se soulever afin de suivre l’humain des yeux mais ne supporta pas son poids très longtemps. Dans une gerbe d’écume, elle rejoignit rapidement la rive en glissant toujours plus sur le sable mouillé jusqu’à ce que le haut de son corps nu soit entièrement hors de l’eau. Ses gestes étaient imprécis et bruyants, et des cliquètements traversaient ses lèvres. Elle ne cherchait, à l’évidence, plus à rester dissimulée.

En entendant tout ce remue-ménage, Sylvain s’arrêta, poussa un soupir fatigué et se tourna vers la jeune fille. Ventre contre le sable, coudes la soutenant et les cheveux collés sur ses épaules et son dos, elle le fixait avec intrigue. Derrière elle, une queue de dauphin tapa la surface de l’eau. Sylvain enfonça une nouvelle fois les mains dans ses poches, ne détournant pas les yeux de cette créature si étrange. Il reprit la parole de là où il se tenait :

_ Tu t’es finalement décidée à me répondre ?

Bien que toujours muette, l’hybride hocha positivement la tête. Elle était sérieusement prête à parler à cet humain qui ne semblait pas avoir peur de son apparence.

 

_ Thom’ !

L’interpellé se retourna vers la sortie aux portes automatiques. Junior s’y trouvait, les cheveux en bataille. Son pantalon affichait la marque sombre de son short mouillé, et il portait dans une main ses chaussettes qu’il n’avait pas prit la peine de remettre. Ses baskets imbibées d’eau suintaient sur le lino de l’hôpital.

Derrière Thomas, la standardiste pria Junior de ressortir avant de salir encore plus le sol.

Aidé d’une paire de béquilles, Thomas avança sur une seule jambe, l’autre entourée d’un épais bandage. Il souriait doucement en approchant de son cousin. Sa seule envie, son seul besoin en cet instant était de prendre Junior dans ses bras.

Quittant la chaise du hall, Annabelle rejoignit Thomas avec inquiétude.

_ Oh, Thomas ! Tu vas bien ? Ce n’est pas trop grave ?

Junior jaugea cette fille toucher le bras de son cousin en se rappelant que ce dernier devait passer l’après-midi avec sa nouvelle copine. Il aurait voulu fuir cette vue de couple mais ne parvint qu’à éclater une nouvelle fois en sanglots.

Thomas poussa Annabelle d’un coup de coude un peu rude et boitilla avec ses béquilles jusqu’à Junior. Là, il lâcha ses encombrants soutiens pour attraper son cousin entre ses bras. L’un étant blessé et l’autre trop faible, ils tombèrent à genoux, enlacés.

_ Junior, bon sang ! J’ai encore cru qu’il t’était arrivé quelque chose !

Junior ravala autant que possible ses reniflements en cachant son visage dans le cou de Thomas.

_ J’ai eu si peur pour toi, Thom’…

Après un bon moment de retrouvailles, Thomas décida qu’il était temps de quitter les lieux. Armé de ses béquilles, il invita Junior à le suivre à l’extérieur, sous les yeux révulsés d’Annabelle…

Ils s’installèrent sur un banc du parc faisant face à l’hôpital. Thomas débuta la conversation en passant un bras possessif autour des épaules de son cousin :

_ Comment as-tu su que j’étais ici ?

Junior se raidit et fixa son vis-à-vis, incertain. Il finit par émettre un rire gêné pour répondre :

_ Disons qu’on me l’a dit.

Thomas haussa les épaules puis fixa droit devant lui pensivement. Il se rappelait de tout ce qui lui était arrivé, même s’il n’avait pas tout raconté aux secouristes.

_ C’est sûrement un dauphin qui t’a tenu au courant, hein ? Fit-il tout à fait sérieusement.

Junior le jaugea avec attention afin de savoir s’il n’y avait pas une plaisanterie cachée. Puis il acquiesça de la tête sans rien dire.

_ Tu sais, reprit Thomas, j’ai vraiment eu l’impression d’être à ta place. Cette sensation de n’être qu’une proie… C’était horrible.

A côté de lui, Junior baissa la tête en se reprochant d’être retourné à la plage. Il attrapa la main de son cousin dans la sienne et entrecroisa leurs doigts. Un autre sujet chatouilla alors l’attention du garçon et il regarda Thomas.

_ Et ta copine ?

Thomas soupira et déclara avec un petit sourire, les yeux encrés dans ceux de Junior :

_ Personne n’est aussi important pour moi que toi.

Junior pensa à Drake, à ce qu’il lui devait… Et ne réalisa pas que son cousin l’embrassait.

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